mercredi 27 juin 2012

Satanas et Pénélope

J'arrive dans le virage,
il sort en marche arrière, sans visibilité.
Je klaxonne pour signaler ma présence.
Il semble se ranger
mais non finalement
il déboîte et s'engage sur la route
comme s'il était prioritaire.
Je l'évite de justesse.
Il me suit, et klaxonne comme un fou.

C'est un fou.

Clignotant, je m'engage pour tourner à gauche,
m'arrête pour céder la priorité.
Allez, encore un coup de beuglant, bien long, bien tonitruant.

C'est un fou pressé.

Le singe agité qui est en moi se réveille et se jette partout,
petit scarabée a déjà oublié comment faire shamata,
je détache ma ceinture
et sort de la voiture.

Je sais, c'est nul
et dangereux en plus.

- "Bon, c'est quoi le problème ? Vous n'avez pas fait caca ce matin ? Y avait plus de nutella dans le pot ? Vous m'avez déjà coupé la priorité, qu'est-ce que vous voulez de plus ?"

Il esquisse une ébauche de sourire,
se ressaisit cependant à temps pour sauvegarder sa virilité.

Mais pas sa dignité.
La testostérone reprend ses droits
avec l'élégance qui caractérise habituellement de tels débordements :

- "Connasse va, espèce de pétasse !"

Finalement donc, c'est pas l'embarras du colon, ni la pénurie de pâte à tartiner.

- "Ah ! C'est que vous n'avez pas niqué ! En même temps, avec une toute petite bite hein !"

Je me casse, démarre.
Il tente une queue de poisson,
pas de chance, son fourgon est un veau

Queue pour bite, tout ça est tellement ordinaire.

Se retrouve nez à nez avec un autre véhicule.
Un peu plus loin, il me double rageusement en me serrant de près.
C'est tout ce qu'il aura serré ce matin,
même pas peur.

Ok, c'est pas la shambala attitude.
Mais punaise,
des fois ça fait du bien d'exploser.




mardi 26 juin 2012

Les gouvernements passent ...

... les problèmes restent.
Les enseignants, qui malheureusement n'ont pas tous fait leur service militaire
gagneraient beaucoup à s'inspirer de ces adages de l'armée : attendre le contre-ordre avant d'obéir aux ordres.
Il est toujours urgent d'attendre.

2000 : je prépare le concours, je me fade les nouveaux programmes en préparation pour 2002.
Tout ce qui se faisait avant, c'était bullshit.
Si tu ne fais pas ce qu'on dit c'est que tu es un mauvais enseignant.

2008 : pas d'évaluation des programmes dont la mise en œuvre a à peine commencé (ils s'appliquent à un nouveau niveau chaque année). Mais retour aux "fondamentaux", via le Socle commun. Nouveaux programmes d'école, de collège, puis de lycée et tutti quanti, jusqu'en 2011.
Tout ce qui se faisait avant, c'était bullshit.
Si tu ne fais pas ce qu'on dit c'est que tu es un mauvais enseignant. 

Noël 2009 : j'ai très peur d'être un mauvais enseignant et de ne pas assurer avec mes 26 GS/CP/CE1.
Je me pourris les vacances à construire des livrets d'évaluation conformes aux programmes.
Je l'envoie à l'inspection, qui le valide.
Ma collègue décide de terminer le stock en cours.

Mars 2009 : inspection (+ 0,5) puis dépression

2010 : Toutes les écoles reçoivent le nouveau livret départemental. Le même que le mien...
Je ne suis pas un mauvais enseignant, je suis pire : je suis une enseignante conne.

2011 : je m'inscris au Capa-sh pour candidater à un hypothétique poste dans un établissement pénitentiaire qui ne se construira pas.
A ce titre, je participe au fossoyage de la Classe relais départementale.
Compte tenu des difficultés rencontrées, je préconise dans mon rapport de fin d'année, d'envisager la création d'un Établissement de réinsertion scolaire (ERS). L'IA me répond que ce n'est certainement pas à l'ordre du jour.
Mise en œuvre généralisée des livrets personnels de compétence, issus du socle commun.

Janvier 2012 : appel à candidature pour l'ouverture d'un ERS... une petite école de "campagne", dont la création est annoncée au moment de la carte scolaire et de l'annonce de fermeture de plusieurs établissements, et qui doit accueillir les premiers élèves en mars, dans des locaux affrétés par la commune de Guéret.

Février 2012 : la commune n'est pas au courant, les locaux ne sont pas affectés à cette destination.

Mai 2012 : nouvelle majorité, nouveau gouvernement. Le préfet et le recteur s'arriment au siège éjectable.

17 juin 2012 : annonce officielle, par le recteur et le préfet, de l'ouverture en septembre, de l'ERS, dans les locaux du lycée pro de St Vaury.

20 juin 2012 : réunion à la maison d'arrêt. J'apprends que le Capa-sh n'est plus exigé pour enseigner en milieu pénitentiaire. Tout le monde le savait sauf moi. Je ne suis pas une enseignante conne, seulement incompétente.
22 juin 2012 :  je reçois une famille de Finlandais qui inscrivent leurs enfants pour la prochaine rentrée.
Leur système scolaire est-il si performant ? s'interroge mon collègue rigolard devant cet exode massif.
Je confirme, il l'est, et le choc culturel sera certainement violent.
La preuve, le bulletin scolaire de leur fille tient sur un A4 plié en deux.
Couverture : renseignements administratifs.
p. 2 : compétences transversales et sociales, conseils et objectifs (le seul truc que les parents lisent sur les nôtres qui pèsent une tonne...)
p. 3 : compétences en finnois : peut lire, capable d'écrire sous la dictée, capable de produire de l'écrit
         compétences en math : procédures mécanisées (numération et calcul), savoir utiliser les opérations, résolution de problèmes.
Conseils et objectifs
Quatre colonnes à chaque fois : conforme aux attentes des programmes, au-dessus, en-dessous, besoin d'aide spécifique. Oui. Besoin d'aide spécifique, ça me fait rêver.
L'espace d'un instant, je deviens une enseignante incompétente, conne, mais utopiste.
Je progresse.
26 juin 2012, aujourd'hui donc : je lis avec attention la lettre de Vincent Peillon à tous les personnels de l'Éducation nationale.

Maintien du Socle commun et pour cause, on ne peut pas le supprimer, ce n'était pas une invention franco-française mais une mise en œuvre des accords européens de Lisbonne...Quand même, "ses conceptions et composantes seront repensées..."
Refonte des livrets personnels de compétence, trop lourds, trop complexes (qu'on est obligé de maintenir pour les mêmes raisons européennes). La Sainte Rita finlandaise a dû passer par là !
L'application de la loi Cherpion de 2011, qui organisait l'orientation -et donc l'éviction -précoce des collégiens en difficulté est suspendue.
Les ERS, qui "ne répondent pas aux objectifs qui leur avaient été assignés" ont du souci à se faire. M'est avis que le recteur et le préfet aussi.
Et vous savez quoi ?
Il y aura de nouveaux ... programmes !
J'en suis déjà tout excitée...

Pour ça
comme pour tout le reste
j'attends.
J'attends le contre-ordre
évidemment.
Désormais, je serai une enseignante incompétente, conne, utopiste et circonspecte.

Collectage

lundi 25 juin 2012

La clé du problème

- "Ben dites-donc, vous, vous avez vraiment un problème avec les clés !"
Je rigole.
La remarque du tenancier du Bouif, faiseur de clés et talons minute de la galerie commerciale, me fait repenser à mon rêve de mai.




Un quart d'heure avant, j'étais venu le voir pour qu'il duplique la clé de la porte d'entrée du haut.
Cinq exemplaires.
- "C'est que ça coûte quand même 12 euros une clé comme ça. Mais je vous ferai un prix pour le lot, 10 euros l'une ça va ?
- Oui, merci.  Le problème c'est que j'ai changé la serrure samedi, et que l'une des clés fournies avec a déjà disparu...
- Ce sera prêt dans dix minutes, si vous avez des courses à faire..."

J'en ai.
Du pain mou pour mon père,
et une nouvelle thermos pour le thé vert qui adoucit ma journée
enfin qui adoucissait jusqu'à ce que l'ancienne se mette à fuir et inonde le plan de travail chaque matin.
J'arrive à la caisse.
- "Vous avez la carte du magasin ?
- Oui."
Je cherche mes clés de voiture, auxquelles sont accrochées les mini-cartes de mes principaux supermarketteurs.
Introuvables.
Je retourne le sac. Pas de clé.
Je paie,
retourne au Bouif.
- "Je n'ai pas laissé mes clés de voiture sur le comptoir tout à l'heure ?
- Heu, non.."
 Accueil du magasin, consigne pour mes emplettes, je retourne dans le rayon où j'ai acheté la thermos.
J'ai dû poser les clés pour manipuler les différents modèles.
Rien.
Cette fois je retourne entièrement le sac.
Et j'ouvre la petite poche devant.
Elle sont là.
Où je ne les mets jamais.
J'ai vraiment des neurones périmés moi.
Retour au Bouif.
"-Vous les avez retrouvées ?
- Oui."
Je n'ose pas dire où.

Mais pourquoi ai-je changé la serrure samedi ?
Parce que j'en avais marre d'être obligée de passer par en bas tout le temps,
notamment quand je suis chargée.
Parce que quand mon père allait chez le kiné et l'orthophoniste,
il laissait la porte ouverte, vu qu'il est dans l'incapacité de passe par en bas.
Parce que ça durait depuis deux ans au moins.

Depuis que la dernière clé d'en haut avait été perdue.


mercredi 20 juin 2012

Vanité tout est vanité

Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n’est pas remplie (l'Ecclésiaste).

Je viens encore de me vautrer en beauté,
professionnellement parlant.
C'est-à-dire que j'ai eu l'air tarte
ce qui n'est pas si grave que ça.

Ambiance

Réunion à la maison d'arrêt, discussion d'une proposition de formation relative aux savoirs de base
qui pourrait intéresser, et donc s'élargir aux collègues de Segpa.
Je rajoute, finement :
"Ah oui, bien sûr, ça entre dans le champ du leur spécialisation !".

Ben non
justement
ça n'entre pas.
En fait, ça n'entre plus,
précisent mes deux boss.
On n'a plus besoin de l'avoir pour travailler en milieu pénitentiaire.

Une deuxième bonne raison donc
d'avoir passé le capa-sh pour rien l'an dernier...
et une nouvelle occasion perdue de me taire.
Une preuve de plus
s'il en était besoin
que
j'étais vraiment à côté de la plaque pour ce truc
pas à ma place,
et je me demande bien pourquoi ils me l'ont donné.

On est peu de chose quand même
et la vie est une truie
je confirme.


Pour être franche,
ça ne m'a pas du tout gêné.
Au contraire
c'est bien loin derrière justement
et ça me renforce dans l'idée d'arrêter de faire de grands projets à la con
professionnels j'entends
au lieu de profiter pleinement du moment présent.

Il y avait un sens finalement :
si je n'étais pas passée par là
je ne ferais pas ce je fais cette année
et qui me ravit.

Karma mon ami
je sens que je suis à deux doigts d'ouvrir tous mes chakras.

Aussi, en rentrant
j'ai cédé pour 10 euros
à un couple vraiment économiquement faible
- je veux dire des gens pour lesquels même le nécessaire est déjà superflu -
un lot de vaisselle que j'avais mis en vente sur le Bon coin.
Et ça,
ça m'a procuré un plaisir immense.
Pas seulement parce que petit à petit le sous-sol se vide.
Mais aussi parce que tous ces objets pas déballés depuis l'achat de la maison en 2007
vont être utiles à quelqu'un.







vendredi 15 juin 2012

Wallpaper

Un fond d'écran
champêtre ET gratuit
offert par Jack
de Danger École.


Bon coin

A VENDRE
3 000  euros
REIN EN TRÈS BON ÉTAT
non fumé
non alcoolisé, même pas au houblon

cause besoin urgent liquidité
après une journée de merde

****

découverte du rejet de tous les remboursements médicaux de mon fils
qui doit se faire opérer bientôt
par la LMDE sécu pourrie des étudiants
injoignable au téléphone....


un touche du clavier de mon ordinateur (marque ACER, comme  a sert à rien...) a sauté
et je découvre que mon contrat de garantie CARREFOUR c'est bullshit
car il y a une exclusion (non écrite, on croit rêver...) pour les claviers, au bout de six mois.
A deux semaines près...
Quand ça veut pas !

Ces grosses sociétés
avec leur plateforme téléphonique me gonflent
et c'est bien dommage que la France soit un pays de droite (à défaut de droit...)

je t'enverrai tout ce joli monde au kolkhoze moi...

Sinon
si quelqu'un a un plan pour un job d'été
je suis libre du 16 juillet au 18 août... (avant et après, je fais des heures sup...)



Édit 1 : palme d'or à Orange, qui m'a proposé un abonnement moins cher parce que je n'utilisais pas ma clé 3G. Bilan : une facture de 75 euros au lieu de 36.... parce qu'ils ont aussi supprimé le forfait de communication vers les portables. Heureusement, ils vont déduire la différence de la prochaine facture...
Édit 2 : grand prix du jury à la boutique One Tel de la galerie marchande du Carrefour de Guéret, qui avait fourgué un abonnement hors de prix, assorti d'une assurance aussi inutile qu'onéreuse, à un vieux monsieur fatigué. Bilan : deux ans que le forfait est prélevé pour rien. Une première visite, reçue par un petit con qui m'avait envoyée promener vu que je ne venais rien acheter : j'ai quand même obtenu la fin de l'assurance et le forfait minimum, sachant que, quand on se dédit, on doit payer 25% de ce que reste à courir (loi Chatel). Une seconde visite aujourd'hui, et une fille super, qui m'a trouvé une solution immédiatement. Dans trois jours, tout est coupé.

En fait, si j'avais le temps
j'assignerais :
toutes ces conneries d'abus de faiblesse, d'exclusions non mentionnées, sont des infractions au droit de la consommation.
Je le sais, et je sais comment faire.
Mais je n'ai plus l'énergie de faire tout ça,
et je conchie tous ces merdeux gavés du chiffre d'affaires
qui m'obligent à me prendre la tête alors que j'ai de plus hautes ambitions pour occuper mes loisirs.


jeudi 14 juin 2012

Salle à manger du jeudi



- Madame, c'est quoi ça, le Bordeauxlo,
le Bordeaux la route,
le Bordeaux la mer ? J'entends toujours ça à la télé, je ne comprends pas... A Bordeaux y a pas la mer !

J'explique : border, la bordure, à le au bord de .... Je crois utile de préciser :

- Les Français aiment bien ça, pique-niquer au bord de l'eau.

- Madame, tout le monde aime ça le bord de l'eau, oh là là, manger au bord de l'eau !





Un peu après Ahun
je vois ce pont sur la droite,
mais je n'avais jamais eu le temps de m'y arrêter.

Un jour
pour aller à la soirée moule-frites chez Peter
on a dû traverser le pont
et j'ai remarqué le petit chemin et la minuscule aire de pique-nique.

Aujourd'hui
à l'ombre des futaies
dans la fraîcheur de l'herbe humide
j'ai fait un sort
à la salade cueillie dans le jardin
et aux cerises chipées chez le voisin.

Au bord de l'eau.
 .

Sur ma peau

mercredi 13 juin 2012

Twitte alors!

Pas facile tous les jours d'être la première gourde de France.



Too much explain, too much complain,
elle ne sera jamais reine
à part des emmerdeuses.

En tout cas on est sûr maintenant d'avoir élu un président normal,
c'est-à-dire avec une femme qui fait chier

La deuxième en plus.

On comprend qu'il ne se soit jamais marié.

La première je la croisais autrefois au ministère de l'Environnement, dans mon autre vie d'avant.
On l'appelait Pyralène Royal.

Efficace mais fâchée avec tout le monde,
elle marche derrière son ego.
Et paie parfois le prix de son comportement.
Elle a aussi été une femme trompée.

Perso, ça me fait bien réfléchir.

C'est quand même dur le sort des femmes qui tentent de franchir le plafond de verre dans notre pays !
Pas de glaouis, pas d'amis...

A part ça, est-ce que quelqu'un sait comment s'habille le mari d'Angela Merkel
et s'il est favorable à la sortie de la Grèce de la zone euro ?



Et puis trois images 
juste pour le sens des priorités 
et de la réalité...






mardi 12 juin 2012

dimanche 10 juin 2012

Gentil coquelicot


C'est le sang de la terre
qui respire
le désir
qui corrige nos erreurs
et apaise nos terreurs.

Des points de soie
brodés sur le brocard mouillé 
d'un printemps pathétique.

Des milliers de sourires
qui s'envolent et s'inclinent
courbent l'échine 
dans le vent mauvais
puis se redressent prêts à s'envoler
caressent la crête des blés levés
regardent au loin si l'herbe est plus verte
et restent là jusqu'à l'été.




jeudi 7 juin 2012

Tata Anne-Marie


Les attentats se multipliaient, c'était vraiment la guerre.
On habitait faubourg Fhaiderbe, un appartement loué près de la gendarmerie, refuge bien illusoire.
Dans ce climat de terreur, comme tant d'autres, on a dû choisir entre la valise et le cercueil. Sauf que, des valises, il n'y en avait plus ! Alors on a entassé nos vêtements dans des sacs de blé donnés par mon père.

Les hommes se sont concertés : la priorité, c'était de mettre à l'abri les femmes et les enfants.
Ma sœur Bernadette et son mari Lucien étaient à Ussen–Dey, le casernement des CRS regroupés pour rentrer en France
Alors on est parti, c'était la fin du mois de mai, il faisait déjà très chaud. On s'est retrouvé jetées dans un parc, un camp de transit, derrière un enclos grillagé, gardé par des CRS, seules, sans les hommes. On était bien cinq ou six mille femmes et enfants.
J'étais là, avec mon fils, Gérard, tout nouveau-né, sans eau, sans nourriture, sans tente pendant toute une journée, et toute une nuit à dormir à même la pierre.
Le lendemain matin, vers 10 heures, j'ai entendu des éclats de voix. Un camion de la Croix-Rouge était arrivé et une matrone impressionnante avec sa cravache à la main, s'est heureusement imposée au CRS qui gardait l'entrée : « Ouvrez-moi le camp, sinon je vous massacre ! ». Son assurance a payé : ils ont pu entrer et nous distribuer un bouillon de Viandox, du lait pour les enfants et de l’eau.
C'est un peu plus tard que, comme dans un rêve, j'ai entendu la voix de mon beau-père. Enfin, c'était plutôt la suite du cauchemar, parce que j'ai cru qu'il venait m'annoncer que mon mari Roger était mort. Mais il avait tout simplement apporté une omelette et du pain, et il a dit ces choses terribles « Ils sont en train de massacrer tout le monde, je ne sais pas où sont mes enfants. Je vais au petit lac » avant de partir en courant, comme un voleur.
Pourquoi le petit lac ? Parce que le massacre des Français avait déjà commencé. Le bruit se répandait que plus de 800 personnes avaient déjà disparu et que les rebelles jetaient leur cadavre dans l’eau…. Certains corps remontaient à la surface, flottaient et les familles prenaient le risque de les récupérer au péril de leur vie. Les voitures étaient abandonnées sur le bord des routes avec les clés dessus… L'armée française nous semblait bien indifférente.
Après le départ de mon beau-père, le temps s'est écoulé comme ça, dans la lenteur et dans l'angoisse, jusqu'à 19h30, où des militaires sont venus nous dire : « Vous allez partir en caravelle avec Air-France, mais il n'y a que 850 places ce soir. »
Que faire ? L’armée nous avait distribué au fur et a mesure de notre arrivée des cartons numérotés sur lesquels était apposé le logo d'Air-France. Ils ne donnaient aucune priorité. C’était un moyen d'évaluer le nombre de personnes qui entraient dans le camp.
Galvanisée à l'idée de rester dans ce camp insalubre, j'ai déchiré mes tickets et j'ai dit que je les avais perdus. C'est comme cela que j'ai obtenu une place dans les premiers départs.

En débarquant à l'aéroport de Marignane, j'ai aperçu Manuel, le cousin de mon mari, qui m'a crié « Venez, je vous attends ! » Et en effet, comme il ne connaissait pas la date de notre arrivée, il était venu chaque jour, du soir au matin, et du matin au soir, avec un panneau et nos noms dessus. Le visage grave il m'a dit : « Je pense que mes cousins sont a l’abri même si nous n’avons pas de nouvelles. » J'avais besoin de le croire de toute façon.
Tu ne peux pas savoir ce que ça m'a fait de voir des équipes de la Croix-Rouge avec des langes propres. J'ai enfin pu changer et nettoyer mon fils. C'est là, dans les toilettes, que j'ai craqué. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps.
Heureusement, quand un type d'Air-France est venu me demandé le prix des vols en Caravelle, j'avais retrouvé tous mes moyens, et je n'ai pas lâché un centime des 800 francs que papa m'avait donnés : « Je ne vous donne aucun argent On n'a pas demandé à partir. » Il n'a pas insisté, et on est parti chez le cousin.
Cet homme, Manuel Soler, hébergeait déjà une cinquantaine de personnes chez lui, que des familles éclatées, séparées, installées sur des lits de camp militaires.
Mes parents sont arrivés chez Manuel aussi, mais seulement pour faire halte. Ils sont repartis en Dordogne chez ma sœur Bernadette, ou plutôt chez ses beaux-parents, dans une maison du village de Pont-St- Mamet.
On n'avait toujours aucune nouvelle des hommes, quand ma nièce, la fille de Manuel, nous a téléphoné : « On les a retrouvés ! Ils sont à Toulouse ! »
C'est que, hasard incroyable, le train de mon père, qui partait de Marseille sur Toulouse, avait croisé celui de Roger et de son frère Pasqual, lequel circulait en sens inverse, Toulouse- Marseille. Quand papa l’a vu, là, dans le train en face de lui dans la gare de Toulouse il a crié : « Il n’est pas mort ! Ils ne sont pas morts ! »
En fait, les hommes s'étaient cachés dans notre cabanon de Port-aux-Poules, entre le Oran et Arsew, à environ une centaine de kilomètres de Mascara. Ils projetaient de fuir le soir même sur un bateau de pêche, vers l’Espagne ! Leur plan s'est trouvé légèrement contrarié quand ils ont senti les canons de deux mitraillettes sur le ventre :
- « Qui êtes vous ?! 
- Ben, les propriétaires de ce cabanon ! »

C'était devenu un repère de l'OAS, qui occupait les lieux depuis un certain temps déjà ! 
Mais finalement ça a joué en leur faveur : ils ont procuré des faux papiers aux deux hommes qui, grâce aux faux tampons de la préfecture ont pu remonter sur l’aéroport de la Senia à 25 kilomètres de là, pour embarquer sur un vol pour Toulouse.

J’ai retrouvé Roger en gare de Marseille avec son frère, dans un état... comment dire ? Liquéfiés mais heureux. Ils portaient une barbe à la Che Gevarra, et qu'est-ce qu'ils sentaient mauvais !
Dans leur yeux j'ai pu lire toute la détresse des scènes d'horreur qu'ils avaient dû voir. Mais là-dessus, on a gardé le silence : on n'a jamais reparlé de ces moments là ! Trop dur, trop de douleurs.

On avait échappé à la mort, c’est ce qui comptait.
C'est bien qu'on puisse l'évoquer longtemps après.


Ce n'est que cinq mois plus tard qu'on a retrouvé notre unique bien roulant, une 404 Peugeot, pleine de nos affaires, y compris mon trousseau de mariage, débarquée à … Dunkerque !
Elle avait été embarquée au port d'Oran, par un contact qu'avait dégoté mon mari, Inch Allah si elle arrivait ou non...
Propos recueillis à la cousinade 2011


mercredi 6 juin 2012

Vendredi

Venez fêter les 10 ans de Coccinelles et Compagnie dès vendredi 8 juin à partir de 19h00 au lac d'Uzurat à Limoges

19h00 : Initiation danses traditionnelles

20h00 : Apéro BIO

21h00 : Bal traditionnel avec les groupes «  Les genoux » et la « Bête Noire » (musique trad du Berry qui bouge)

Restauration bio et locale tout au long de la soirée
  • Buvette bio
  • Soupe à l’ortie
  • Sandwiches saucisses grillées
  • crêpes

Egomaniaque

Arrivée hier dans cette école
un des gamins dont je m'occupe,
arrivé début mai,
pleure sans discontinuer depuis 9h00,
la main sur la bouche, prêt à vomir.
Entre deux hoquets,
je comprends qu'il a mal au ventre et veut rentrer chez lui.

Il a souvent mal au ventre
et veut tous les jours rentrer chez lui.

On se téléporte à la bibliothèque avec sa sœur .
Dans la cour, on fait le tour des camarades de classe, pour leur demander comment ils s'appellent et compléter le trombinoscope qu'il a refusé de faire seul. Les collègues se prêtent au jeu de bonne grâce, raison pour laquelle j'aime beaucoup cette école.
Lui il dit non et ne veut pas écrire.
D'ailleurs, la mine du crayon se casse au moment opportun.

Je remets la mine.

Je lui parle (presque) cash : "Je comprends que tu sois triste, c'est difficile. Je te crois quand tu dis que tu te sens malade, c'est normal. Mais j'ai bien peur (j'adore cette expression anglaise pour dire non, c'est un peu comme notre "on verra") que tu n'aies pas le choix. Tu peux travailler, ou pas, mais je n'appellerai pas ta mère."
On retourne à la bibliothèque,  je sors un jeu. Genre jeu de l'oie sur le matériel scolaire.  A chaque case, pour gagner une carte, il faut dire le mot en français, et moi en anglais of course. Je suis nulle, on se marre bien, il gagne.

Il sourit.

Sa sœur - en CM1- est très coopérante. Elle apprend vite, et m'aide bien à improver mon english. Le lavabo c'est "sink", et 80 "four grapes of twenty".
Ah ah, moi aussi j'apprends vite. Elle est surtout fortiche en numération.
Quand je remonte, la maîtresse manifeste une reconnaissance éternelle.
Mon ego remonte la pente, le chien.
En sortant je croise la maman.
Je me présente, on discute devant le gosse du petit garçon qui criait au loup : l'histoire existe aussi chez eux, pont culturel qui tombe à pic.
Elle ajoute avant de partir :"you're very popular at home".
Mon ego gonfle ses biceps avec un sourire narquois.
La voie de la sagesse,  c'est pas gagné.