jeudi 26 avril 2012

Message paradoxal

Je crois que la France a toujours cultivé ce paradoxe d'être une terre d'accueil
tout en ayant peur de l'étranger
en le colonisant
en le réduisant en esclavage
en le stigmatisant
en l'excluant.
Un pays de résistants
et de collaborateurs.
Le pays de l'Algérie française,
et de l'affaire Dreyfus,
des droits de l'Homme
et du massif du Vercors.

Alors pourquoi continuent-ils tous à venir chez nous ?

Parce que chez eux ce n'est pas tenable.
Les histoires que j'entends dans mes cours de français aux étrangers sont terribles, oui terribles
pas seulement la guerre parfois
mais juste le matin te demander si tu auras à manger dans la journée
ou ne jamais pouvoir sortir sans avoir peur de ne pas rentrer.

Parce que chez nous
quand tu es malade
tu peux toujours aller à l'hôpital
tu trouveras toujours quelqu'un pour te donner à manger
que dans la rue tu es en sécurité
et que
quelle que soit ta situation
tes enfants iront à l'école.
Tu sais comment certains appellent notre pays ?
La mère patrie...

Pas la peine de souligner qu'il y a des exceptions à cette sécurité
évidemment
je le sais.

Mais globalement
on vit dans un pays
où les jeunes peuvent se permettre une crise d'adolescence
de gamins bien nourris
et où on peut tous cracher sur le président sans aller en prison ou au peloton d'exécution.
C'est luxe non ?

Je sais aussi
pour fréquenter la France archi-profonde
(celle qui est placée près du trou du cul du monde tu vois ?)
que beaucoup d'électeurs qui votent pour Amène le Pire
sont de braves gens
de braves gens oui
qui si tu les prends individuellement,
n'ont rien d'une cohorte de nazis sanguinaires.

Mais ils ont peur
ils fantasment
et c'est très facile de manipuler les foules en s'appuyant sur leurs peurs,
de les monter les uns contre les autres,
de confondre l'autorité issue de la loi
et l'autoritarisme pour faire plier ceux qui ne sont pas d'accord.

Finalement, c'est ce que je reproche le plus à l'agité du bocal qui nous préside
d'avoir installé et fait régner
cette crainte diffuse de l'avenir qui nous ronge.
Ne peut-on pas affronter les difficultés avec réalisme et sans crainte ?

Ce que j'aimerais moi
c'est qu'on ait un chef d’État qui remette un peu de compassion dans ce monde de brutes,
avec autant de bienveillance que de fermeté.
Et j'espère que mon voisin corrézien sera cet homme là
car j'ai déjà pu constater qu'il aime VRAIMENT les gens
et qu'il sait essuyer dignement les tempêtes sans laisser couler le pédalo.
Le reste
je commence à m'en foutre un peu.
J'en ai marre qu'on essaie de me faire très très peur avec la crise touci touça.
La vraie crise
c'est celle des valeurs humaines
et du respect de l'autre.


Jacques Brel - Sur la place par Leboc
Édit : la vidéo je l'ai déjà publiée, mais je m'en fous aussi, c'est ma chanson préférée avec le galérien.


mercredi 25 avril 2012

Séquence émotion

 Découvert au hasard d'un blog,
je ne sais plus lequel.

J'ai pleuré.

Au bon coin, les bonnes rencontres (3)

"Coucou,
c'est la livraison de paroir !"
Le seuil de l'échoppe franchi,
c'est le moment fugace de la première impression,
la bonne.


Murs de pierre parisienne blanche,
et de toile de Jouy bleue ;
plancher de bois,
fauteuils de cuir,
l'un avec un type dedans,
- non, ça ne peut pas être lui -
l'autre envahi  de pièces de peaux colorées,
souples et douces.
Un jeune homme se retourne
Benjamin forcément,
poignée de main
et déballage de l'objet du délire.




Je vous présente donc Benjamin
qui n'est pas sabotier, non.
Qui ne tourne pas non plus un remake de Kill Bill.



Pendant qu'il prépare le café, moulu par ses soins,
on discute un moment.


De la deuxième vie de la machine à coudre,
récupérée à Anvers.

De la deuxième vie de sa minuscule boutique,
dont il a refait le mur lui-même.

Et de la deuxième vie de mon paroir,
qui,
une fois le crochet passé dans l'anneau d'un socle,
servira à la taille de ses formes.



 

Car Benjamin exerce un métier peu commun. 
Il est faiseur de chaussures à la main.
Bottier quoi.
C'est-à-dire que,
pour la modique somme de 220 euros
(oki, c'est pas modique si tu es économiquement faible,
mais c'est une somme tout à fait raisonnable
si tu considères le prix d'une paire de Paul Smith
fabriquée par de petites mains pakistanaises)
tu peux t'offrir les pures merveilles rouges et grises que tu vois là,
en bas à droite.


Pourquoi j'ai flashé sur Benjamin ?
A cause de ses pompes déjà.
Elles ne vous font pas penser aux souliers magiques des contes ?

Mais aussi à cause de cette profonde humanité que l'on sent chez lui,
et cette envie
chevillée au corps
de faire quelque chose qu'il aime.
Benjamin n'a pas toujours été faiseur de chaussures.
Quand il était plus jeune (vu son âge, je me demande si c'est possible ça, d'avoir été plus jeune)
il voulait faire quelque chose de créatif et joliment plastique,
sans trop savoir quoi.
En attendant de trouver chaussure à son pied - ah ah, trop facile - l'étincelle,
il n'est pas resté les deux pieds dans le même sabot - non, vous me voyez arriver avec mes gros sabots à se masturber stérilement le cerveau.

École de commerce,
finance pétrolière
noisettes chez l'écureuil...
Jusqu'en octobre dernier,
l'ouverture de l’Échoppe.

Le plan,
plus tard, c'est d'avoir un atelier plus grand, plus productif.
Mais pour l'instant,
il fait ce qu'il aime,
il en survit
et c'est ce qui compte : ne pas passer à côté de sa vie.

J'ai comme dans l'idée que ça va marcher.
Et je suis bien contente d'avoir gardé mon paroir pendant 13 ans
avant de le confier à quelqu'un qui en vaille la peine.


Édit : samedi prochain, je retourne à Paris. J'en profiterai pou livrer un lot de vaisselle "Arcopal" dans le parking de Bercy, mais ça m'étonnerait que ce soit aussi graphique et excitant.


En avril, ne te découvre pas d'un fil

Obligée de sortir le duffle-coat à capuche ...
Ok
on n'y peut rien.
Ok
il faut accepter.
Mais quel temps de merde !
Vent de folie et de tempête depuis des jours
qui s'engouffre et s'insinue
sous les portes,
pluie battante et glacée,
grêle,
dehors c'est gris,
agité,
moche comme cette photo.
Finalement,
je suis bien contente de travailler le matin,
et de retrouver le sourire de mes cinq élèves,
sinon je ne me lèverais pas...
Je veux du soleil
de la vitamine D
des sourires
et une robe à même la peau.




mardi 24 avril 2012

Au bon coin, les bonnes rencontres (2)

Benjamin avait dit :
"RV au métro hôtel de ville".
mais comme on était resté assis quatre heures dans la voiture
j'ai eu envie de marcher jusqu'à l'adresse qu'il m'avait donnée,
en suivant les quais de Seine.
Oui,
pour une fois,
il ne pleuvait pas,
signe d'un excellent karma.


Belle balade, 
sms à Bastille,
où il faut quitter la Seine qui semble disparaître sous le trottoir,
rue Saint Antoine
qui devient la rue de Rivoli,
BHV,
rue des Archives à droite,
devant le 23 de la rue des Blancs Manteaux,
deux réceptionnistes annoncent la couleur.



 

La fille est brune,
elle porte une robe rouge moulante,
et elle a des gros seins.
Bon signe ça,
non ?
Très bon signe même. 




C'est le moment de lever le nez !
c'est bien l’Échoppe du Black Dandy.
Quelle tête va avoir
ce prénom
qui n'est qu'une voix ?
Et que diable va-t-il faire
de mon paroir de sabotier ?

To be continued...

Suite et fin
@demain !

A tête reposée

A un moment
j'en ai eu marre de rejouer toujours les mêmes scènes
le même mal-être récurrent
l'alternance avec l'euphorie.

A ce moment,
j'avais compris beaucoup
des traumatismes et des secrets de famille.
qui sonnaient comme des évidences
sans que je puisse me libérer de leur poids.

A ce moment j'ai saisi
que comprendre davantage ne changerait rien de plus.

A ce moment,
j'ai arrêté de vouloir comprendre.
Le temps passe si vite
et on ne sait jamais combien il nous en reste.
Il y avait urgence à vivre chaque jour autrement
plutôt qu'à attendre ce qui ne venait pas

A ce moment,
je voulais seulement agir,
mais sans surcharger ma vie d'actions inutiles.
Je voulais pouvoir réfléchir,
sans être étouffée par le flow.

Je me suis pensée :
ne change qu'une seule petite chose à la fois.

La première chose que j'ai changé
c'est d'alléger mon emploi du temps.

La deuxième chose que j'ai changé,
c'est d'arrêter d'aller voir le psy.
J'ai su que j'avais pris une option bonne pour moi
quand il a dit
que je pourrais toujours revenir si j'en avais besoin.
Un peu comme si
c'était inéluctable.

Je ne m'en porte pas plus mal
je m'en porte même mieux, me semble-t-il.
Déjà
ça ne me pourrit plus l'organisation du mercredi
qui est devenu une bien meilleure journée,
même quand je travaille.

C'était comme une béquille
et je suis contente d'avoir fait le choix de me suffire de mes deux jambes.

La troisième,
c'est la moins facile
et la plus productive
arrêter d'être en colère
quand ce n'est pas absolument nécessaire.


lundi 23 avril 2012

Au bon coin, les bonnes rencontres (1)


Tout a commencé avec ça.
Un paroir de sabotier
trouvé en 1999 dans l'atelier qui jouxtait mon ancienne maison.
Je voulais le vendre, mais je ne l'avais jamais mis sur une brocante.
Je ne sais pas trop pourquoi,
je crois que je n'avais pas envie de le savoir mourir
figé sur un mur crépi.

C'est le genre d'outil qui mérite d'être manié.


Dans le cadre de ma grande opération
"je vide mon sous-sol, parce que si je meurs je ne veux pas que mes enfants le fassent",
qui génère une intense sensation de bien-être
au prix de seulement deux jours de chacune de chacune de mes petites vacances,
j'ai appliqué la règle d'Isa  selon laquelle "si tu ne t'en es pas servi depuis deux ans, ça jerke"
- règle très efficace pour contourner à la fois procrastination et états d'âmes.

Je l'ai donc mis en vente sur le Bon coin, avec la magnifique valise de pique-nique décor sanglier (pourquoi l'avais-je achetée déjà ? un moment d'égarement, très certainement),
les Converse étoilées (371/2, jamais portées, un achat compulsif de mon fils qui finalement ne les voulait pas...), un lot de vaisselle Arcopal à fleurettes bleues non effacées (trousseau de mon père qui ne s'en sert plus), une machine à pain (que je n'utilise plus depuis que je vis en ville), un épandoir Gardena, la tondeuse électrique, et un scarificateur manuel, datant du temps où j'avais 5 m2 de pelouse et des velléités de gazon anglais.

Comme pour tout ce que je mets en vente,
j'ai fixé un prix très bas
le triple objectif étant que
ça débarrasse
ça trouve une seconde vie chez quelqu'un d'autre
et ça me fait une mini-cagnotte (en l'occurrence pour un coupe-bordure électrique sans fil).

10 euros donc,
et plusieurs appels.

Benjamin a été le plus rapide,
et m'a proposé de le lui envoyer à ses frais.

Mais comme j'allais à Paris pour conduire mon fils au départ de son voyage pour l'Angleterre,
j'ai suggéré une livraison à domicile
et sacrifié le carton qui protège mon pare-brise du gel
pour emballer la lame courbe, tranchante et rouillée,
autant dire un distributeur à tétanos.
.../...
La suite demain
Les filles,
Benjamin est beau et jeune,
n'hésitez pas à revenir...

dimanche 22 avril 2012

A voté

Aujourd'hui
c'était la première fois qu'il votait.
Rite de passage initiatique.
Baptême citoyen.

Je lui ai donné rendez-vous à 14h30.
Il m'a dit "c'est trop tôt, je ne sais pas encore pour qui je vais voter."
Mouai
limite que la campagne a été trop courte...
Il a ajouté "tu votes pour qui toi ?"
Hum c'est personnel, je peux te dire pour qui je ne vote pas, c'est tout.
Tu sais, la seule chose qu'on puisse VRAIMENT faire en toute indépendance à 18 ans
c'est voter.
Alors ne demande pas l'avis de tes parents, fais comme tu penses.
"Lol, je plaisantais, je savais que tu ne me le dirais pas."
A 15h00
on est parti tous les trois avec mon père.
Trois générations de votants.
Impressionnante file d'attente.
Contente.
Coupe-file carte handicapée.
Gênée,
les gens ont toujours un drôle d'attitude avec ça.
J'ai aidé mon père à collecter tous ses bulletins. Arrivé à celui de Mélanchon
il a dit "Laisse-moi donc ça, c'est pas la peine..."
Mon père est un vieux crabe réac,
j'ai dit "Si tu votes Sarkozy, je te fous à l'hospice."
Ah ah
Nicolas a demandé "c'est pour quoi faire ça ?" en montrant l'enveloppe bleue.
Gloups
"C'est pour mettre ton bulletin, t'en mets qu'un hein, sinon c'est nul".
Je me suis souvenue du prix des Incorruptibles, quand on fait voter les enfants dans un vrai isoloir, avec de vraies enveloppes, et des bulletins... 
Hop, trois isoloirs, trois "a voté", trois signatures.
Fière.




mercredi 18 avril 2012

Mort vivant

La vie est une question de point de vue et d'apparence.
Qu'est-ce qui existe vraiment ?



Je passe souvent devant cet arbre
que j'appelle le mort vivant
ses longs bras noueux
figés par la mort
polis par le temps
déchirent le ciel de zébrures gris mat
à l'aplomb d'un buisson de rameaux
où la vie a repris le dessus
et qui semblent le porter 
encore.

Il est là
immuable
vu d'ici
c'est l'espoir 
que rien ne finisse vraiment.


Mais vu de l'intérieur
c'est un tourbillon tumultueux et confus
 l'angoisse étouffante
d'une étreinte mortelle.


En passant de l'autre côté
une séparation déchirante
un dialogue de sourd
la douleur du silence
étrangère à la vie qui s'agite tout autour
ou portée par elle ?

Fallait-il s'approcher de si près ?
Peut-être aurait-il été préférable de continuer à le croiser sous son meilleur jour ?

Peu importe
car
si je n'étais pas entrée dans ce champ
je n'aurais pas trouvé non plus
les pieds de sédum que j'ai rapportés pour mon jardin.


dimanche 15 avril 2012

Le petit virage au fond de la vallée...

D'habitude, je passe une heure plus tôt, mais le principal m'a demandé un compte-rendu d'évaluation pour le dossier de d'orientation d'un de mes élèves. C'était urgent. Je suis restée une heure de plus.
D'habitude je n'emprunte pas cet itinéraire.
Mais sur la route de Guéret il y a une déviation, et les déviations chez nous, c'est long et cahoteux.
Alors je prends la route de Gouzon, pour revenir par la N145, un peu plus de kilomètres, un peu moins de temps.
En principe.


Dans le virage en montée, je note la présence d'une voiture pliée contre un arbre à l'aplomb du ravin. Le conducteur a eu de la chance. Sans l'arbre, c'était la plongée. En passant devant, il me semble apercevoir un mouvement à l'intérieur. J'ai un doute. Je ralentis, je fais demi-tour, et je m'arrête en allumant mes feux de détresse. Le type derrière moi lève les bras au ciel.
Mais en me voyant sortir et courir vers le véhicule, il s'arrête aussi et me rejoint.

Il y a bien quelqu'un qui s'extirpe de la voiture, sonné, l'arcade sourcilière en sang. L'accident vient juste de se produire, et, vu la position, il a dû essuyer un sacré tête à queue.

"- ça va monsieur ? vous avez besoin d'aide ?
- oui, oui ça va, je n'ai rien.
- ben, quand même, vous avez l'air bizarre. Vous avez appelé quelqu'un ?
- oui, oui.
- ça a dû être un sacré choc, il faudrait vous faire examiner quand même."

A ce moment, l'autre conducteur intervient. Manifestement il le connaît.
"- Tu as appelé ta copine ?
- Non, elle travaille.
- Tu ne veux pas que je te redescende à Boussac ?
- Non, non, je vais attendre ici. J'ai appelé le garage pour qu'ils viennent avec la dépanneuse."
Le garage ? Je trouve ça bizarre, mais bon. Il est avec quelqu'un qu'il connaît, je m'apprête à prendre congé, quand je vois l'autre repartir vers sa fourgonnette.
"- vous ne restez pas avec lui jusqu'à ce que quelqu'un arrive ?"
Le type a un air à peine gêné qui veut dire non.
Je suis un peu interloquée, je m'entends dire :
 "- Bon je vais rester moi.
- Non, non ce n'est pas la peine dit l'accidenté.
- Je regrette, je ne vous laisse pas tout seul. Imaginez que vous fassiez un malaise maintenant."
L'autre se barre en crabe et nous lance :
"- Je vais passer au garage voir s'ils arrivent bien;"
Le fourbe. 
Va donc eh ! Facebookfriend !

A partir de ce moment
le temps s'écoule bien plus lentement.
D'abord, il faut mettre en place la cellule psychologique d'urgence ( = mon sourire dégagé)
pour le type qui me fait un coup de calgon. Il lâche un "j'ai encore plus de voiture" sur un ton qui en dit long sur la série d'emmerdes qu'il traverse, précise qu'il vient de claquer 200 euros de pneus neufs sur internet pour une guimbarde désormais inutilisable et je comprends pourquoi il a appelé le garage plutôt que les gendarmes : c'est l'éclatement d'un pneu lisse qui l'a envoyé dans le décor.

Je me retiens de lui dire que c'est "l'argent du rabbin", comme on dit chez ma copine Juliette, autrement dit, l'argent pour apprendre;

Je tente une diversion rigolarde sur la loi de l'emmerdement maximal, qui veut que la tartine tombe toujours du côté beurré, et attire son attention sur l'écorce éclatée de l'arbre qui lui a sauvé la vie finalement.
"- Oui, ben, des fois, vaudrait mieux y rester.
- Allez, ne dites pas ça, réjouissez-vous d'être encore en vie."

C'est mon côté philosophe tibétaine, l'impermanence des choses et tout ça.
Dis donc, depuis que je médite, quelle acuité j'ai !
Au maximum de mes capacités je suis.

La conversation s'égare sur les chemins de traverse de la campagne électorale : il ne donnera pas sa voix à Eva Joly, à cause qu'elle a des lunettes affreuses. J'ai comme dans l'idée que, même si elle n'avait pas changé de binocles, il n'aurait pas voté vert.
Il me parle de son jardin. Je suis sûre qu'il utilise du Round'up.

Punaise, ma montre est arrêtée ou quoi ? Ah non, c'est que je n'ai pas de montre en fait.
Mais je constate que le reflux brutal du taux d'adrénaline doit faire monter celui de testostérone, parce qu'il ne perd pas le nord :
"- Vous vous appelez comment ?
J'ai la présence d'esprit de donner mon pseudo.
- Oui mais Coline comment ?
- Pourquoi voulez-vous savoir  mon nom ?
C'est moi où il a des yeux de loup un peu ?
Je me sens ridicule.
Je maudis le garage Citroën de Boussac ET le type sensé le prévenir ET l'article 223-6 du code pénal (non assistance à personne en danger) ET les travaux sur la route ET le principal du collège.
- Ben, si je veux vous remercier."
Comme une niaise, je lâche mon nom, le vrai.
Argl...

Je note aussi toutes les voitures qui passent, et dont les conducteurs nous font des petits coucous avec la main en passant. Je n'en reviens pas...

Je suis à un demi-doigt de regretter d'avoir rempli mon devoir de citoyenne en m'arrêtant pour porter secours. Quand enfin, deux autres gars du coin s'arrêtent.
Ils le connaissent aussi, le saluent, moi aussi -on fait déjà vieux couple ou bien ?- s'enquièrent de sa santé, pestent contre l'absence de glissière alors qu'à Trois-Fonds ils en ont, tout ça, tout ça.
Je retrouve mes esprits :
"- Bon, ben je vais vous laisser avec lui hein !"

Il m'attrape la main, l'embrasse :
"-Vous êtes une princesse !"
J'admets, ça fait plaisir.
Mais pourquoi suis-je allée répondre :
"-Non, une reine !"
uh uh
Stupid queen oui.

Et pour enfoncer le clou -très certainement j'étais en hypoglycémie, vu que je n'avais pas pris mon goûter- quand il me crie :
- j'espère vous revoir !
je réponds finement :
- n'allez pas avoir un accident tous les vendredis quand même !
- Ah, vous passez tous les vendredis..
En plaquant la paume de ma main sur ma bouche pour ne rien répondre d'encore plus bête, et pour ne pas me donner de baffes non plus,  je m'engouffre dans ma voiture en récapitulant :
il connaît mon nom, mais pas mon prénom, je viens tous les vendredis mais une heure plus tôt et pas par cette route, vendredi prochain je reste à Guéret et après ce sont les vacances.
Avec un peu de chance, cette grande histoire romantique ne restera gravée que dans l'écorce de l'arbre.

Et surtout
20 minutes de méditation
ce n'est pas suffisant.





Le samedi c'est yummy, et le dimanche aussi # 10

La vie c'est pas yummy quand
il fait froid (très)
et que j'ai envie ( très très) d'aller dehors planter des patates
mais c'est pas grave
ce qui n'est pas fait aujourd'hui sera fait demain,
ou pas.
Quand la communication reste encore très difficile avec quelqu'un que j'aime
et que je voudrais voir heureux.


La vie c'est yummy quand
je peux finir un roman policier en traînant en pyjama.
Japonais le roman policier.
Tout ce que je lis a les yeux bridés en ce moment.

Je sais que je ferai ce voyage en Asie,
même si je ne sais pas quand.

Je blogue de moins en moins
parce que j'en ai moins besoin.

J'aime mieux la vraie vie
dehors
je sens son souffle
à l'intérieur de moi.
Il paraît que c'est shamata
calmer le singe
quitter le monde agité de la pensée confuse
pour un espace lumineux et apaisé
je me sens respirer
vivante
sans avoir besoin de me jeter partout.



mercredi 11 avril 2012

Sunny tag's karaoké

 Du sourire
et du soleil...
avant d'aller m'enfermer pour la journée.



Spéciale dédicace to
- SG qui m'a donné l'idée, et qui joue du ukulele ;
- tous ceux qui sont fatigués.

vendredi 6 avril 2012

En corps de lyre


Culs blancs

Je suis sortie dans le jardin
au petit matin
en chemise
dans le brouillard humide et froid,
parce que j'aime cette odeur d'aube laiteuse
une île
en pleine ville.

Soudain, je sursaute,
un fracas de branches au fond,
deux chevreuils affolés
entrés là je ne sais comment
traversent le potager en deux bonds
et s'engagent dans le petit chemin qui conduit à la rue du dessus.
Pas de chance, c'est la seule partie clôturée.

Je les vois qui se jettent dans les grillages qui bordent les deux propriétés voisines,
de front, sur le côté,
mon premier réflexe,
bien bête
est de les rassurer en parlant doucement.
Ce sont les mots de trop
évidemment.

Tout d'un coup,
je sens dans ma poitrine
leur cœur qui bat la chamade,
leur panique à ma vue
à ma voix
je vois le souffle duveteux qui s'échappe de leurs naseaux
on respire le même air
leur terreur m'envahit de compassion
et je bats en retraite
en silence.




Un peu plus tard
je vais aux nouvelles
précautionneusement
en restant à bonne distance.
Le grand cherche une sortie,
plus calmement,
le petit surveille de mon côté.

Encore plus tard,
ils sont partis.
Toute la journée
j'ai eu l'âme légère.